mardi 5 mars 2013

BOOMERANG


Lison fête ses 8 ans…

Un jour, un cadeau, une rencontre… Le cœur de Lison bat très fort lorsque son grand-père lui tend le paquet. Un joli papier d'emballage avec des papillons bleus sur fond rouge feu. Lison découvre son cadeau : un boîte en carton… Sitôt enlevé le couvercle, elle l'admire pour la première fois. Lui, le cochon en porcelaine jaune garni de quelques marguerites.

"C'est une tirelire, ma chérie. J'espère que tu y mettras beaucoup de petites pièces et que tu pourras alors acheter le lit-bâteau dont tu rêves."

"Merci Papy !"

Lison tourne et retourne l'objet dans tous les sens. Son regard est surtout attiré par la large fente sur laquelle elle passe inlassablement le doigt. Elle secoue la bête mais aucun bruit ne vient.

Sa grand-mère l'appelle : "Viens ma Lison, je vais te donner une pièce pour commencer à le garnir." Lison prend les 50 francs, donne un bisou à sa mamy. Elle serait bien tentée d'utiliser cet argent à l'achat de bonbons mais voilà son grand-père a dit qu'il fallait remplir la tirelire.

Les jours passent. Lison regarde plus souvent le sol que le ciel. La moindre piécette est destinée au cochon et elle en trouve des piécettes Lison ! Comme elle aime le bruit de la monnaie qui s'entrechoque. Comme elle aime sentir la petite bête jaune qui s'alourdit au fil du temps.

Il n'est plus question de se laisser aller à l'achat impulsif d'une sucette, d'une revue enfantine ni même d'acheter quelque chose pour la fête des pères ou celle des mères. Un sou est un sou. Lison cultive l'art d'offrir ce qui ne coûte rien : un dessin personnel, un collier en coquillages, un bricolage réalisé avec du papier journal coloré.

La priorité de Lison c'est de remplir cette chose qu'elle a déposée sur sa table de nuit et qu'elle caresse comme l'on caresserait un amoureux. Lison est devenue insensible au vieux mendiant qui tend sa sébile à la sortie du supermarché. Thésauriser, tel est le but de sa vie.

Un jour la tentation est trop forte, Lison dérobe quelques pièces rouges dans le porte-monnaie de sa mère. Il faut ce qu'il faut. Lison prendra encore quelques sous chez elle, à l'école, chez des amies.

Lison fête ses 30 ans et son grand-père ses 93 ans

Lison reçoit la famille pour l'occasion. Ce sera un toast aux champignons des bois suivi d'une pintade aux abricots puis d'une crème vanille. Il lui restait du pain rassis. Les champignons des bois, elle les a cueillis elle-même, la pintade elle était en super promotion, 2 kgs ½ pour le prix d'un. Lison ne résiste pas aux promotions ! Elle aime plus que tout voir s'arrondir son compte en banque. Elle a préparé un toast spécial pour Papy qui n'a plus un sens du goût aiguisé comme il l'avait jadis.

Lison a 30 ans et un jour

Lison pleure son Papy. Il est mort soudainement durant la nuit. Lison pleure mais sourit un peu. Son Papy ne lui a-t-il pas promis qu'il lui léguerait sa collection de pièces anciennes ?

Lison est certaine que son grand-père de là-haut est très fier d'elle !