lundi 22 décembre 2014

Haïkus pour Noël



Santons de Provence
Ont-ils tant rapetissé
Depuis mon enfance ?
 
Un homme enivré
Entonnant un chant paillard
~ Matin de Noël
 
Les reflets dorés
Dans l'étang de mon village
~ Magie de Noël !
 
Sapin décoré
Rivalisant de beauté
Avec les étoiles…
 
Soir de réveillon
Mon ombre danse toujours
Sur un air joyeux.
 
Pas besoin de vent
Les aiguilles du sapin
Bientôt sur le sol !

 

mercredi 26 novembre 2014

Le petit dernier est né !

 
 
 
Voici mon dernier né ! Je vous le présente avec fierté !
 
"Contes en stock" est référencé !
On peut se le procurer chez moi, chez l'éditeur (www.editionschloedeslys.be) et à la librairie Huwart à Mont-sur-Marchienne.
Il s'agit de mon onzième livre. Près de soixante contes qui mènent sur les chemins de l'amour et de l'ordre, qui font rencontrer des animaux  et des objets magiques, qui convient à des fêtes, qui  abordent la question du temps qui passe, qui parlent de villages et de secrets.

 
Voici l'interview que j'ai accordée à cette occasion :

 
1 - Si un petit matin vous vous réveilliez transformée en l’un des personnages de votre dernier recueil, lequel serait-ce ? Quelles similitudes entre lui et vous ou que lui enviez-vous ?
La mère de famille du conte "la malle". Cette femme a eu l'idée de placer une grande et jolie malle dans son living, c'est là qu'elle met tout ce qui contrecarre l'ordre de sa maison. Ainsi, les apparences sont toujours sauves ! Bien entendu, de temps à autre, elle en inspecte le contenu et jette ce qui est inutile ! Tout irait pour le mieux si un jour, sa belle-mère ne découvrait le pot aux roses ! À partir de là, ça dérape gentiment !
Moi aussi, je remets volontiers au lendemain quand il s'agit de ranger et  je serais bien tentée d'adopter sa solution.

 
2 - Dans ce recueil, partagez avec nous les 5 premières lignes de votre conte préféré.
Jeannot entendit des bruits. Accroupi et occupé à observer un criquet, il se redressa. Une jeune fille se trouvait à quelques pas de lui. Elle passait le petit pont de pierre. Elle était blonde, portait une robe de pétales et d'herbes ainsi qu'un canotier de feuilles. Quand elle eut atteint l'autre côté du pont, elle disparut dans la brume. Il regretta de ne pas l'avoir mieux regardée tant il était absorbé par le criquet.
(Début du conte : "Une robe de grand couturier" dans le chapitre consacré aux histoires d'amour)

 
3 - Choisissez l’un de vos textes, au hasard (si si !) et recopiez-nous les 5 dernières lignes de la première page du texte.
J'ai ouvert le livre plus ou moins au milieu et j'y ai trouvé une histoire de vieux matou… Un vieux matou qui manque de force mais pas de malice…
Voici les cinq dernières lignes, page 123 : … "Ses maîtres lui demeurent reconnaissants d'avoir croqué quantité de souris, de souriceaux, de rats, de musaraignes, de mulots. C'est qu'avec Zébulon les provisions étaient à l'abri des rongeurs.
De partout, la rumeur courait. "Attention au gros chat gris. Il est rapide comme l'éclair, malin comme un singe !"…
("Le vieux chat", extrait du chapitre consacré aux histoires de temps)

 
4 - Si vous étiez le personnage principal d’un roman, lequel seriez-vous ? Qu’est-ce qui vous attire chez lui ?
Je lis rarement des romans. Je ne lis que des textes courts, nouvelles, contes, poésie.
Un souvenir ancien. Palamède Bernardin dans « Les catilinaires » (Amélie Nothomb - Le Livre de Poche) J’aime bien cette idée d’être comme un observateur qui s’incruste chez autrui et cette sorte de persévérance.  

 
5 - Imaginez que vous deviez écrire une histoire se passant dans un monde futur (2070), comment décririez-vous votre ville ou région dans cette époque à venir ?
J’aime imaginer ma ville propre, pimpante, fleurie. Les bâtiments à restaurer l’auraient été. Les chancres qui auraient été démolis, auraient été remplacés par des immeubles élégants, aux nombreuses baies vitrées. Les badauds seraient les bienvenus dans les piétonniers. De coquets parkings de dissuasion seraient aménagés aux abords. Il y aurait de nombreux cafés et salons de thé, aux terrasses accueillantes. Il y aurait aussi des petites places sympathiques garnies de bancs. Les bords de Sambre seraient mis en valeur comme le sont les bords de Meuse à Dinant. 

 
6 – "Pierre Dupont a ouvert la porte-fenêtre. […] Il a ramassé la ballerine en cuir rose et l'a déposée dans la corbeille à papier."
Entre ses deux phrases, il se passe quoi selon vous ?
Ce Pierre Dupont est entré pour voler de l’argent et des bijoux. Il met beaucoup de désordre dans le bungalow avant de trouver ce qu’il cherche. Il fouille tiroirs, étagères, armoires. Il fouille aussi bien la garde-robe ancienne que le réfrigérateur. Juste avant de quitter les lieux, il trébuche sur la ballerine qui traîne sur le sol du hall. Cette chaussure lui fait repenser à une femme dont il a été amoureux.

 
7 - Je vous  donne une caméra et un passe pour un aller-retour pour n’importe où. Votre destination et ce que vous filmez ?
D’un bout à l’autre du Lac Léman au printemps. Je filme le lac, la montagne, le ciel bleu. Je m’arrêterais à Montreux pour une balade à pied le long du lac. J’y filmerais les canards, les bateaux, les palmiers, les fleurs, les gens qui se promènent et ceux qui sont assis sur les bancs.

 
8 - Qu'est-ce qu'on apprécie le plus souvent dans vos textes ?
La sensibilité, l'imagination, la psychologie, la langue imagée, les fins parfois abruptes. Rolande Quivron, auteur chez CdL, parle à propos de mes textes de "fabuleuses évocations de souvenirs de cour de récréation" et de "nouvelles si simples et si vraies". Jean-Louis Gillessen, commente pour sa part :"Tu décris si bien les approches, ressentis, liens de camaraderie…"

 
9 - Qu'est-ce qu'on vous reproche-t-on le plus souvent ?
Le manque d’action qu’il y a dans mes textes, l’aspect trop proche du quotidien. Une certaine naïveté et un manque d’agressivité sont mes principaux défauts, paraît-il… 

 
10 - Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
Je ne les ai pas atteints dans leur plénitude mais je n’y ai pas renoncé non plus.
J’ai exercé la profession de psychologue qui m’avait attirée dès mes onze ans. Je n’ai jamais renoncé à écrire ni à peindre.

 
11 - D’après vous, quels sont les points positifs et les points négatifs du Web pour les artistes ?
Il y a le danger du plagiat et de la diffusion sauvage. Un exemple : une amie a déjà retrouvé des morceaux de poèmes que j’avais écrits sur des cartes postales, on citait mon nom mais on ne m’avait pas demandé d’autorisation !
Le Web offre la possibilité de se faire connaître. J’y ai fait connaissance avec d’autres artistes : un chef de chorale suisse qui a mis en musique deux de mes poèmes, des conteurs qui m’ont demandé à pouvoir conter des histoires que j’avais imaginées, des webmasters qui ont mis l’un ou l’autre conte sur leur site ou dans une revue papier qu’ils publiaient (conte sur le chocolat, sur les cloches…).
Un élève de secondaire a présenté quelques-unes de mes poésies dans sa classe. Sa mère qui avait trouvé certains de mes écrits sur un site de ma ville, les avait appréciés. Il est venu me rencontrer…

 
12 - On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Que voudriez-vous qu’on dise de vous pour votre  oraison funèbre ?
Que j’ai offert l’écoute dont certains avaient besoin, que j’ai aidé certaines personnes à aller au bout de leurs rêves et que je suis parvenue à dénicher quelque chose de la poésie des jours ordinaires.

 
13 - En exclusivité, la prochaine phrase qui débutera votre futur texte, qui restera peut-être à jamais inédit ?
Quand il a entendu les bruits, les cris : "On ne bouge plus. Je suis armé !" Il l’a prise par la main, l’a entraînée vers le recoin où se trouvaient les bières. Ils sont restés agenouillés derrière les casiers.

 

dimanche 2 novembre 2014

Les deux premiers

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Le concours de calligramme organisé par mon éditeur préféré, Chloé des Lys, s'est terminé samedi.

Mon papillon a été classé premier et j'en suis très heureuse. Mes amis Sanson, de Reims, qui ont déjà illustré un de mes livres et aussi un de Louis, m'ont beaucoup aidé pour la réalisation du dessin. Qu'ils en soient remerciés !

Le texte se composait de deux haïkus dans les ailes et d'autres courtes phrases poétiques intégrées dans le corps et les antennes :


Notez que le calligramme classé second est l'œuvre de Quentin, un jeune Marseillais de 12 ans qui a réalisé cet escargot :


Bravo à Quentin pour son idée et son joli dessin !
 
Comme quoi, "la valeur n'attend pas... "
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mercredi 22 octobre 2014

L'héroïne de papier

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Tel était le titre du concours d'écriture "Préambule" organisé dans le cadre du Salon du Livre de Blégny.
 
Mon texte intitulé "La cocotte en papier" et qui raconte l'amour naissant entre deux personnes âgées, a été remarqué par le jury. Au cours d'une séance bien sympathique, j'ai donc reçu ce diplôme ainsi que le livre édité chez Dricot et qui reprend tous les textes primés.
 
Après la proclamation des résultats, tous les auteurs ont dédicacé le livre à de nombreux visiteurs. Chacun y allant de ses encouragements et de ses félicitations.
 
Bref, de bonnes raisons d'avoir participé et de revenir l'an prochain. D'autant plus que le site de Blegny-Mine est bien intéressant et tellement différent de nos charbonnages de Charleroi.
 
 

dimanche 24 août 2014

Pantalon à Wépion ! (RPé 2014)

 
 
Micheline avec son masque de Pantalon
 
 

Aventure amoureuse de la Signora

Je suis heureuse et fière d'avoir apprivoisé Luigi…

J'ai rencontré le Dottore au Foyer de l'Opéra. Il m'a éblouie ! Il était si beau ! De magnifiques cheveux noirs  bouclés, des yeux marron, un habit blanc, une prestance superbe. Ce soir-là, je n'ai vu que lui et mon cœur a battu très, très fort.  Il était accompagné d'une jeune femme à l'air triste.

Discrètement, je me suis informée. J'ai appris qu'il s'agissait du Dottore Luigi Mariano et que la femme qui l'accompagnait était sa jeune sœur, Lucia, qui un an plus tôt avait perdu son fiancé dans un accident de chasse. Peu à peu, je me suis renseignée sur les habitudes du Dottore et de Lucia. Grâce à ma couturière, je me suis rapprochée de Lucia. Je l'ai réconfortée, consolée, l'ai distraite de son chagrin. Je lui ai fait revoir la vie en couleur pastel… Peu à peu, Lucia a de nouveau souri et rit.

Un jour à 19 heures, je suis allée chez elle…À 19 heures parce que je savais que comme à son habitude le Dottore s'y trouverait. Le Dottore m'a vue, il est venu me remercier d'être venue au secours de sa sœur et m'a demandée ce qu'il pouvait faire pour moi. Rougissante, j'ai répondu : "Dottore, un homme tel que vous distingué, sage, cultivé, ne peut m'offrir la seule chose qui me ferait vraiment plaisir."

"Mais de quoi s'agit-il ?", m'a-t-il demandé.

"Un baiser", ai-je dit. Alors le Dottore m'a embrassée…

Oh ce baiser, je m'en souviendrai toujours !

 

samedi 2 août 2014

Un texte retenu par Jean-Philippe Toussaint

 
Le titre dit tout !

"Célestin, le jardinier" a été remarqué par Jean-Philippe Toussaint, qui me fait l'honneur de l'accueillir sur son site.

Une histoire comme je les aime, avec une statue qui parle et qui parle même beaucoup... Une histoire qui a pour objet l'écriture et la recherche d'une expression nuancée du vécu ainsi que les difficultés rencontrées sur le chemin pour y parvenir.

dimanche 22 juin 2014

Rencontre à Charleroi


Une de mes nouvelles vient d'être éditée dans un recueil collectif intitulé "Rencontres" aux  Éditions du Basson de Marcinelle.

Ce recueil comprend les meilleurs textes du concours organisé sur le thème "Rencontre dans une ville qui pourrait être Charleroi".
 
La présentation du livre a eu lieu lors d'un cocktail organisé au Théâtre Poche de Charleroi. Devant un nombreux public, ce fut l'occasion de lire un bref passage de chacune des onze histoires et de permettre à chaque auteur d'y réagir. 

La nouvelle "Attendre" parle de la rencontre amoureuse entre une femme et un homme qui se sont connus sur un forum Internet avant d'échanger de nombreux mails. Un premier rendez-vous dans une taverne animée ne se passe pas tout à fait comme l'envisageaient les personnages...
 
Un beau texte plein d'espoir et de tendresse mais aussi émaillé de doutes. Les imprévus ne font-ils pas partie de la vie même si on ne les apprécie pas nécessairement ?


 

mardi 6 mai 2014

Deux récompenses poétiques...



UN JOUR, LA VILLE

 
Un jour couleur de blé se lèvera
Et la ville dévoilera des facettes méconnues.
Les banlieues seront ouvertes sur des jardins d'oiseaux
Et s'épanouiront sur un horizon peuplé d'arbres.
Dans les rues le temps coulera moins vite.
Le presque silence des parcs donnera faim de chants et de musiques.
 
Un jour, la ville portera des habits taillés dans des pans de soleil
Et les rires des enfants déborderont des écoles.
Les papillons donneront leur nom aux rêves
Et les promeneurs auront les poches pleines de joies.
Dans leurs têtes, résonneront des bruissements d'insectes,
Leurs pas suivront les pas de danse des funambules.
 
Un jour, la ville aura le visage de la patience
Et les boutiquiers vendront des instants de quiétude.
L'eau des fontaines s'abandonnera à la tendresse
Et répandra les effluves de parfums délicats.
Des mémoires, s'effacera l'ancienne agitation des hommes.
L'amour sera la matière première de la liberté.
 
Un jour, dans un frémissement de lucidité
La ville offrira à chacun une part de bonheur.
Les citadins s'enivreront des paroles échangées
Et leurs mains rencontreront d'autres mains.
Ils prendront modèle sur l'indolence du chat et son espièglerie.
La violence s'estompera ne laissant que la fougue des mots.
 
Un jour, la ville célébrera les noces de l'herbe et de l'acier,
De la brique et du lierre, de l'intelligence et de l'émotion.
Les saisons y ricocheront comme dans la campagne,
Un jour, les bonnes volontés se cristalliseront.
Un jour, l'utopie libérera les réalités
Et l'espoir s'enroulera autour des hommes.
 

Diplôme d'honneur
Concours Europoésie 2014
Thème libre, poésie libre
Diplôme de la francophonie
 

*****

 
Sous son masque d'ours
Imaginer le Grand Nord
Transpirer si fort.

 
5e prix concours Haïkouest
Masques, mars 2014

 

vendredi 14 février 2014

LE MINEUR AVAIT QUELQUE CHOSE À DIRE…


Vingt-cinq décembre 1990. C'est un train quasiment vide qui arrive à Charleroi et pour une fois sans retard. Durant le trajet, j'ai regardé défiler le paysage, terrils, bords de Sambre et maisons ouvrières en pensant à mon enfance. Tante Agnès m'attend à onze heures quinze précises. Il me reste donc un peu de temps… Je prends un café à la gare, puis je me balade un peu.

La ville est déserte comme l'était Namur à mon départ. Je marche d'abord le long des quais. C'est d'un ennui mortel en ce jour férié. Dans l'eau grise se reflètent quelques pâles rayons de soleil. Pas une seule péniche ! Accoudée à la rambarde, j'espère un zeste d'imprévu. Il n'y a que le calme qui suit la fête et ses folies gastronomiques. J'ai un peu froid. Je décide d'aller vers le centre-ville. J'ai envie d'un autre café ou d'un chocolat chaud… Je suis au milieu du pont lorsque je sens un regard posé sur moi ! L'impression d'être épiée. Il y a là quelque chose de troublant. Je tourne la tête à droite. Je découvre la statue du mineur. Ses yeux fixent l'horizon. Impossible qu'il m'ait remarquée ! Et pourtant, comme il n'y a que lui et moi, qui d'autre aurait pu me regarder ? J'observe ses lèvres, son nez : entre nous, existe une certaine ressemblance. Je reste en tête-à-tête avec lui sans parvenir à m'en éloigner. Nous sommes seuls au monde. Les minutes passent. Je suis anesthésiée. Je n'ai plus froid, je n'ai plus envie de prendre un autre café. La fatigue du réveillon s'est estompée. J'ose me perdre dans la musculature de l'homme, dans les plis du pantalon. Je l'imite, je pose la main gauche sous le menton et lui adresse un clin d'œil de connivence.

C'est le début d'un jeu : pour adopter sa posture, je m'accroupis devant lui. Je fais un signe de la main, puis je feins de partir. Je reviens et reste immobile face à lui.

Il me semble repérer peu à peu de légères modifications dans la tension des lèvres, elles s'entrouvrent imperceptiblement et en s'entrouvrant, elles gonflent légèrement. Le torse se soulève à peine, une respiration très lente. Le pouce s'écarte du menton. Les paupières ont un tremblement infime. C'est une parole susurrée pour moi seule qui s'échappe, mais les mots sont incompréhensibles. Progressivement, tout se remet en place. Le temps s'égrène à un rythme habituel sans que j'en sois consciente. Le manège n'a semblé durer qu'une minute ou deux… Un désir naît en moi : celui de toucher l'homme, de frôler son vêtement pour que sa puissance passe en moi. Cela me semble trop périlleux. J'y renonce…

Un groupe de quatre jeunes s'avance. Il y a des commentaires, des éclats de rire. Rien de bien méchant. J'entends juste : "Les vieux plaisent on dirait…" Ils partent en courant.

De nouveau, nous sommes seuls. J'en ai fini de mes mimiques. Je lui parle comme à quelqu'un de mon entourage. Je lui demande comment il a fait pour endurer son travail tandis que moi, simple enseignante dans le secondaire, je suis souvent stressée avant d'entrer en classe. Je quémande une recette de sagesse. De plus, à bientôt trente ans, je ne suis nulle part dans ma vie sentimentale. Spontanément ma main gauche se pose de nouveau sous mon menton. J'attends et remarque que l'index de l'homme pointe la place Buisset. Je vois là une invitation à poursuivre mon chemin.

C'est alors que je pense regarder l'heure. Déjà onze heures quinze, je suis en retard ! Il est temps d'aller boulevard Tirou où Tante Agnès m'attend pour le traditionnel un repas de Noël en compagnie de Tante Marie-Louise, de son mari et de leurs enfants, la seule famille qui me reste.

"Toujours en retard comme à ton habitude !" Tante Agnès commence à servir le champagne. "Nous t'attendions depuis longtemps Marie-Claude ! Tu ne t'es quand même pas perdue en chemin ?" Je me justifie : "J'ai regardé le mineur sur le pont. Je n'y avais jamais vraiment prêté attention…"

Tante Agnès réagit : "Il paraît que c'est mon grand-père qui a posé pour Constantin Meunier. Du moins, c'est ce que mon père racontait… Une légende familiale."

Vers seize heures, je pars pour la gare. Sur le pont, je m'arrête devant lui.

Ses lèvres s'entrouvrent, deviennent plus charnues. Son menton semble s'affiner tandis que je fixe son visage. Sa main s'élève pour me faire un signe d'adieu. Je me laisse glisser dans une sensation tiède et douce. Ainsi, l'homme m'attendait pour un rendez-vous fixé à travers plusieurs générations et il a repris vie pour moi.

Le 26 octobre 2012, je suis de retour à Charleroi pour l'incinération de Tante Agnès. J'ai de nouveau pris le train. Mon cousin m'a fixé rendez-vous sur le parking de la place Albert. De là, nous partirons pour le crématorium.

Il pleuvine, une péniche passe lentement. Sur le pont, je croise quantité de gens pressés. J'assiste aux préparatifs de départ du mineur. Je m'informe. Il a été enlevé de son socle pour permettre les travaux. Il est posé sur le sol, prêt à être emballé avant d'être emmené en lieu sûr. Je pourrais tenter de le toucher…. Finalement, je l'effleure, mais la magie n'est plus là.


Je tourne autour de lui, puis l'examine de près. Une statue de bronze représentant un mineur, peut-être un de mes ancêtres. C'est une évidence : je reconnais chez lui les joues de ma grand-tante. Il est trop tard pour en parler avec elle. Ces départs simultanés m'apparaissent alors comme d'étranges coïncidences !