vendredi 23 novembre 2018

Un texte apprécié


De temps en temps, mon éditeur organise un petit concours. Cette fois, un de mes textes a été particulièrement apprécié… Le voici : 

L'année de mes neuf ans

Enfant de neuf ans, dans la solitude de ma chambre, je n'avais guère que les livres d'images pour échapper à l'affligeante réalité. Par passion, mes parents étaient devenus bouquinistes. Ils s'occupaient davantage de leur clientèle et de leur commerce que de moi. Ils me laissaient emprunter les albums qui me plaisaient. La mangrove et ses arbres émergeant des eaux m'attiraient tout autant que les nuages en forme de papillon qui parcouraient le ciel de la couverture d'un recueil de contes. Je vivais la vie des flocons de neige tombant sur les igloos, je devenais tour à tour le pêcheur qui tentait de capturer des sirènes ou la sorcière qui préparait une potion qui avait le pouvoir de rendre invisible.

À mon retour de l'école, sitôt mon goûter avalé, je m'évadais entre les pages. Je voyageais, je voyais des plantes magnifiques, des animaux exotiques. La vie s'écoulait ainsi au rythme des aiguilles de l'horloge et des dessins de vieux bouquins que je découvrais avec gourmandise.

Quand je suis tombée malade, j'aurais voulu que mon hépatite ne guérisse jamais. En peu de temps, ma chambre était devenue l'annexe du magasin. Papa et Maman m'apportaient régulièrement des livres enjolivés le plus souvent par des illustrations raffinées. Parmi les dessins qui m'ont marquée, il y avait un œuf d'autruche dans lequel un artiste minutieux avait aménagé une grille…Une armée de fourmis progressait vers cette providentielle ouverture afin de découvrir un intérieur extraordinaire. Étrange petit peuple auquel je m'identifiais ! Étrange intérieur garni de fleurs multicolores ! Étranges semaines où les livres étaient mes agréables compagnons.

Un jour, Maman m'annonça que les résultats de ma dernière prise de sang étaient satisfaisants et que j'allais pouvoir reprendre le chemin de l'école le lundi suivant. Maman consacra l'après-midi à faire le grand ménage dans ma chambre, emporta les ouvrages devenus inutiles et me fit faire des exercices de français et de calcul. Ce jour-là, une drôle de bestiole pénétra dans ma chambre par la fenêtre entrouverte. Elle était d'une blancheur nacrée. Je crus reconnaître en elle, une des héroïnes d'une histoire que j'avais lue. Elle se posa sur mon édredon, puis sur ma main où elle laissa une trace et repartit. La trace était comme un tatouage que Maman remarqua à son retour. Elle m'envoya à la salle de bains et j'eus beau frotter et frotter rien n'y fit. Maman me dit : "Cela sera un petit souvenir de ton hépatite."

Le lundi suivant, je rentrais à l'école. J'avais changé : durant les cours, je trouvais avec une rare facilité les réponses aux questions posées par la maîtresse et durant les récréations, je parvenais à captiver mes copines avec des histoires que j'inventais au fur et à mesure.

Souvent, je regardais la petite tache brune sur ma main et j'éprouvais un grand bien être.

À présent à chacun de mes voyages, je retrouve quelque chose du monde merveilleux découvert dans les livres l'année de mes neuf ans.

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