dimanche 21 décembre 2008

Le voici donc ce fameux texte retenu par le Jury du concours de contes de Surice !

Si vous désirez en savoir plus sur notre prestation, rendez-vous sur Facebook, c'est bien trop long à expliquer ici !

LA PERSÉVÉRANCE DE JEANNETTE

Son mari à peine parti pour de longues journées de pêche, une femme tombe malade. La voilà tout à coup fiévreuse, somnolente, affaiblie, incapable de faire un pas sans se tenir à un meuble ou à un mur. Dans un court moment de pleine lucidité, elle appelle Jeannette, sa fille unique.

« Jeannette, mon poussin, va me chercher une petite cruche d'eau à la source du hameau voisin. Il paraît que boire de cette eau rend la santé aux plus faibles. Fais vite et ne te laisse pas distraire. »

Selon son habitude, Jeannette ne se laisse pas rebuter par la tâche. Il lui faut juste rapporter de l'eau de la source située à environ un kilomètre. Une corvée banale, aisée pour une fillette de douze ans, robuste et dynamique. Jeannette marche donc jusqu’à la source, elle y remplit la petite cruche de porcelaine qu'elle a emportée. Sur le chemin du retour, Jeannette sautille joyeusement. N'a-t-elle pas trouvé l'eau miraculeuse qui guérira sa mère ? Mais voilà qu'elle trébuche sur un mauvais caillou. Jeannette garde l'équilibre. Cependant, la cruche tombe et se casse, l'eau se répand sur le sol. Qu'importe, pense Jeannette, je repartirai avec une cruche d'étain.

Sitôt rentrée, elle se confie ainsi à sa mère. « Maman, la cruche est tombée et s'est cassée. Permets-moi de prendre une cruche d'étain. Ainsi, il ne m'arrivera plus d'accident. »

Jeannette repart donc, plus vive qu'une pie. Elle arrive à la source, remplit sa cruche d'étain et s'en revient chez elle. Mais survient une soif si grande, si rare, si impérieuse, qu'à proximité de sa maison, Jeannette ne peut s'empêcher de boire un peu d'eau de la cruche.

Quand, rentrée chez elle, Jeannette tente de verser un peu d'eau dans un verre afin de le porter à sa mère, elle s'aperçoit que la cruche est tout à fait vide. Plus le moindre filet d'eau. Jeannette secoue énergiquement le récipient. Rien. Pas la moindre goutte… Pourtant, Jeannette se souvient avoir juste bu une simple gorgée du précieux liquide. Elle s'est à peine rafraîchie alors qu'elle avait une si grande soif !

« Maman, l'eau s'est évaporée de la cruche. Je m'en vais retourner là-bas avec une cafetière métallique munie de son couvercle. Ainsi, je serai à l'abri de tout accident. »

Jeannette s'en repart aussitôt. Elle vole plus qu'elle ne marche. Elle chantonne. Jamais une bonne idée ne lui fait défaut. Jeannette atteint la source, remplit la cafetière et s'en revient chez elle. Soudain, surgit une femme vêtue de noir. « Je t'ai vue remplir la cafetière. Donne-moi à boire, mon enfant. En échange, je t’offre ce bracelet d'or qui rend fort celui qui le porte. » Jeannette sûre de contenter à la fois sa mère et la femme, accepte le marché.

Sitôt l'échange réalisé, elle glisse le bracelet à son poignet. A pas de géant, elle revient à la maison. La cafetière ne pèse à présent pas plus qu'un petit pois. Jeannette chante et son chant remplit la nature tout entière comme celui d'un ténor.

Jeannette un peu gênée de la métamorphose de sa voix, se confie de nouveau à sa mère. « Maman, je n'ai point d'eau. Mais j'ai un bracelet qui te donnera plus de force que tu n'en as jamais eu. » Jeannette passe le bracelet au poignet de sa mère qui se relève prestement, alors un tel tournis la prend qu'elle manque de s'effondrer à chaque pas.

« Jeannette, va me chercher de l'eau à la source. Surtout, laisse le bracelet ici de crainte qu’un brigand te le vole ! » La voix de sa mère est grave, le ton est impératif pareil à celui de quelque génie.

Jeannette s'en repart donc. Elle est épuisée par tant de route. Elle avance à grand peine. Plusieurs fois, elle trébuche. Plusieurs fois, elle laisse tomber la cafetière. Quand enfin elle atteint la source, il fait presque nuit, elle a faim et soif, elle a mal aux pieds. Puisque l'eau est supposée avoir de tels pouvoirs, Jeannette en verse un peu sur ses pieds. Elle espère un soulagement immédiat. La douleur ne s'apaise pas, au contraire. Jeannette boit alors l'eau de la source, elle en boit et boit encore jusqu’à s’en trouver enivrée. Elle s'endort là sur les pierres, au pied de la source.

Au petit matin, quand elle se réveille, Jeannette lève les yeux et est émerveillée. Des fleurettes ont poussé tout autour de la source. Des papillons tournoient. Elle reconnaît, assise auprès d'elle, la femme vêtue de noir qu'elle a rencontré la veille.

« Lave-toi mon enfant, bois de cette eau et remplis la cafetière. Tu m'as secourue hier, je vais t'aider à mon tour. » Et la fillette grimpée sur les épaules de la femme rejoint la maison de sa mère. A peine celle-ci boit-elle l'eau de la cafetière qu'elle retrouve santé et équilibre.

Quant au bracelet, ce fut le père de Jeannette qui le porta, pour remonter plus facilement ses filets remplis de poissons !

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